Skip to content Skip to sidebar Skip to footer

Extrait de Le bouddhisme zen Sôtô, Koho Chinzan Zenji

Le zen, comme le bouddhisme lui-même, est un produit de l’Inde. Cependant, son ancienneté est bien plus grande que celle du bouddhisme. Son origine est liée à l’habitude des philosophes indiens d’échapper à la chaleur en s’établissant dans les forêts. Là, ils passaient leur temps en méditation et dans l’observance de cérémonies religieuses. Cette pratique consistant à s’asseoir dans une posture définie, sous un grand arbre, pour méditer était considérée comme un exercice religieux agréable. Le développement ultime en fut le zazen, la forme de méditation pratiquée dans l’école zen. « Zen » est la prononciation du mot chinois « chan », qui est lui-même une transcription phonétique du mot prakrit « jhana ». L’équivalent sanskrit de « jhana » est « dhyana » qui signifie « penser ». Les Upanishad, qui traitent de philosophie brahmanique, peuvent être considérées comme un produit de ce type de méditation dans les forêts. Il existe un grand nombre d’Upanishad. Le mot « zen » apparaît pour la première fois dans l’une des plus anciennes d’entre elles, la Chandogya Upanishad. Dans les premières traductions du sanskrit en chinois, le mot fut rendu par « pensée et pratique ». Les traductions plus tardives adoptèrent le terme « réflexion paisible ». La première expression signifie concentrer l’esprit sur un objet unique, y réfléchir profondément puis mettre cette réflexion en pratique. La seconde expression faisait référence à la pratique qui consiste à mettre son esprit au repos de manière à voir les choses avec plus de clarté. « Zen » a également été traduit par « », c’est-à-dire fixe, stable. Ce terme renvoyait au fait de fixer son esprit sur un objet unique de façon à le libérer de toute distraction.

La forme de zen qui s’épanouit avant l’apparition du bouddhisme était incomplète dans sa méthode comme dans sa forme. Le bouddhisme donna un nouveau sens au zen, approfondit son contenu et définit clairement ses objectifs. On pourrait tout aussi bien dire que le zen renforça les fondations du bouddhisme en tant que religion. Oldenberg a dit : « Le zen (la méditation) est au bouddhisme ce que la prière est aux autres religions. » Et Hermann Beckh a écrit : « Le seul moyen de comprendre correctement la différence entre le bouddhisme et les autres religions est de comparer la méditation zen dans le bouddhisme et la prière dans les autres religions. » Le bouddhisme doit son succès en tant que grande religion mondiale au fait que la méditation zen en est la base pratique. Et c’est bien à travers la pratique de la méditation zen que fut réalisé l’Éveil du Bouddha. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que le bouddhisme s’enracine dans le zen.

(…)

Le zen du plus haut Véhicule est celui transmis par Bodhidharma (Jp : Daruma Daishi) et il enseigne que la nature de l’homme est originellement pure et sans souillures, qu’il possède une sagesse inhérente depuis sa naissance et que son cœur-esprit est la bouddhéité même. Bodhidharma était le troisième fils du roi d’un État du sud de l’Inde. Déplorant le déclin du vrai bouddhisme, il quitta sa patrie pour la Chine lointaine, où il arriva quelque part au sud de Canton vers l’an 470 de notre ère. Il alla ensuite à Luoyang, la capitale, et s’installa au temple de Shaolin, sur le mont Sung, où il pratiqua la méditation sans interruption. Cette période de sa vie est généralement appelée « les neuf années de contemplation du mur » (Jp : mempeki kunen). L’ensemble des enseignements de Bodhidharma est connu sous le nom « Les Deux Entrées et les quatre actions » (Jp : ninyû shigyô). Les « Deux Entrées » sont l’entrée dans le bouddhisme par la raison (Jp : rinyû), et celle par les actions (Jp : gyônyû). « L’Entrée par la raison » désigne la prise de conscience du fait que nous avons tous le même cœur-esprit que le Bouddha. Nous pouvons accéder à cette compréhension sous la conduite d’un bon enseignant. « L’Entrée par les actions » signifie réaliser dans la pratique que tous les êtres ont le cœur-esprit de Bouddha. Cette réalisation n’est rien d’autre que ce que nous expérimentons en zazen et dans notre vie quotidienne. L’essence du zen de Bodhidharma est l’Éveil-et-pratique qui naît quand on prend conscience de l’existence du cœur-esprit de Bouddha. Le cœur-esprit de Bouddha se révèle dans la sagesse de l’Éveil et la pratique de zazen.

Bodhidharma transmit l’Enseignement au second patriarche, Hui-Ko (Jp : Eka), qui à son tour le transmit à Seng-ts’an (Jp : Sôsan). De Bodhidharma à Sôsan, la transmission fut directe, d’un maître à un disciple unique. Ils pratiquaient les douze ascèses (Skt : dhutas ; Jp : zuda gyô), se contentaient d’une vie de pauvreté, sans résidence fixe, et se faisaient une règle de ne pas passer plus d’une nuit dans un même endroit. Il ne leur était donc pas possible d’avoir une grande influence sur le reste de la société. Cependant, le quatrième et le cinquième patriarche, Tao-hsin (Jp : Dôshin) et Hung-jen (Jp : Kônin), s’installèrent sur le mont Shuang-feng (Jp : Sôbô) dans le district de Huang-mei (Jp : Ôbai), dans le Chi-chou (Jp : Kishû), aujourd’hui la province du Hupei, pour une soixantaine d’années, et s’entourèrent de plus de cinq cents disciples. C’est dans ces conditions que le zen fut transformé en une religion chinoise.

Quand un grand nombre de gens vivent ensemble, il ne leur est pas possible de se consacrer exclusivement au zazen et autres activités religieuses. Ils doivent s’acquitter des tâches de la vie quotidienne telles que balayer, cuisiner, cultiver, etc. Pour que de tels travaux se hissent au même niveau d’importance que le zazen, il devient nécessaire de saisir profondément la signification de la nature de Bouddha et du cœur-esprit de Bouddha. C’est ainsi que le zen fut peu à peu approfondi spirituellement et put rejoindre les besoins des êtres ordinaires. Le zen ne serait désormais plus relégué à la salle de méditation d’un temple, mais serait appelé à jouer un rôle actif dans tous les aspects de la société.

Le zen enseigne que nous ne devrions pas être dominés par les écritures mais que nous devrions plutôt les utiliser pour nos propres besoins ; que nous ne devrions pas adhérer à une interprétation littérale des textes mais plutôt appliquer leurs enseignements dans nos vies quotidiennes. Le zen élabora donc des règles pour la vie quotidienne dans les grands monastères et chercha ainsi à remédier à l’absence de directives du Mahayana quant aux observances religieuses et à l’étiquette. Ces règles du zen sont connues sous le nom de Ch’ing-kuei (Jp : shingi). Elles peuvent être tenues pour une combinaison du Vinaya indien (cette part des écritures qui contient les préceptes) et du li chinois (les règles pour l’étiquette et les cérémonies – Jp : rei).